ROBERT, Jocelyne : Les femmes vintage
« Où sont les femmes vintage, ces femmes mûres-mûres, millésimées ? Comme Dieu, elles sont partout.
On passe de fée à sorcière, imperceptiblement. L'usure s'insinue en nous, subreptice et sournoise, au fil des ans. Elle viole notre intégrité à petite lampée. On a l'impression que les flots du temps nous lèchent sensuellement, nous donnent un petit goût salé, alors que ses lames grugent, érodent, ruinent nos berges. On ne sent rien, on ne voit rien et puis, d'un coup, l'érosion, qui a vachement fait son travail de sape, dans le vif de nos cellules, dans nos pores, dans nos cheveux, sous le derme, nous fait BEU ! Ce jour-là, on se regarde dans la glace, et c'est le choc. On se dit que le big-bang, la formidable contraction / expansion de l'univers, n'est rien en comparaison de la composition / décomposition de notre vaisseau corporel !
"Vieillir est insupportable. Alors, on triche, on gomme, on se raconte des balivernes, on fait comme si ça ne nous concernait pas. Il arrive avec l'âge ce qui est arrivé avec la minceur et la beauté à tout prix. Enfant, il fallait être belle. Ensuite, il nous fallut être mince et le rester. Désormais, le monstre est tricéphale : on n'a pas le droit d'être laide, pas le droit d'être grosse, pas le droit d'être vieille. »